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42,6°C à Paris. Ce record absolu de chaleur a été mesuré le 25 juillet 2019. Jamais le mercure n’avait grimpé ainsi… en 130 ans de relevés météorologiques . À l’avenir, une telle température n’aura plus rien d’extraordinaire en Europe, anticipent la plupart des experts de la « crise climatique ». Ainsi, la « canicule » n’est plus perçue comme un événement. Elle est devenue un moment ordinaire du nouvel été parisien, vécu comme la manifestation locale d’un changement observé à l’échelle de la planète.

 

L’humanité a modifié l’écosystème terrestre

Le dernier rapport du GIEC (« Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ») ne permet plus aucun doute quant à la cause du réchauffement climatique. Ce sont bien des activités humaines qui font monter la température de l’atmosphère et produisent les conséquences catastrophique que l’on ressent déjà et qui vont certainement s’aggraver au moins dans les décennies à venir. Le futur plus lointain dépend de notre capacité d’action collective et immédiate.

La crise climatique est aussi le visage de notre immense pouvoir sur la biosphère. La définition de l’anthropocène reconnaît bien l’être humain comme « force géologique » majeure capable de marquer la lithosphère. Saurons nous mettre à profit notre énergie collective pour trouver une relation plus harmonieuse et apaisée avec cette seule planète vivable que nous connaissons?

 

Les villes en première ligne

Les villes sont particulièrement concernées, premièrement parce qu’en ville le réchauffement climatique se cumule avec l’effet d’îlot de chaleur urbain. De plus, la grande densité de population en ville fait que ces effets négatifs cumulés touchent un très grand nombre de personnes. Par ailleurs, l’impact environnemental des zones urbaines s’étend bien au delà de leur emprise physique. Les villes exercent une pression disproportionnée sur des territoires environnants par leur besoins en énergie ou par la consommation des ressources venues de partout sur la planète. Enfin, les villes concentrent le pouvoir économique et politique, ce qui leur donne une grande capacité d’action. Pour toutes ces raisons les actions d’adaptation et d’atténuation préconisées par les scientifiques, et engagées dans les centres urbains auront une influence à l’échelle de la planète.

 

Lutter contre la chaleur dans l’espace public

Les pouvoirs municipaux s’efforcent de préparer des plans d’atténuation et d’adaptation. Les réponses données se concentrent dans un premier temps sur l’intégration de plus de végétation dans l’espace public, sur la valorisation de l’eau de pluie pour le rafraîchissement et sur la réduction de l’accumulation de chaleur dans les revêtements de sol.

 

L’air frais dans les bâtiments

Les objectifs et moyens pour plus de fraîcheur à l’extérieur sont bien connus et la direction est toute tracée. Atteindre le confort d’été satisfaisant à intérieur des bâtiments s’avère plus complexe. Car, même si nous usions d’énergies renouvelables pour refroidir l’air d’un bâtiment, nous réchaufferions les alentours. Et nous serions pris dans ce cercle vicieux : rafraîchir dedans augmente le phénomène d’îlot de chaleur urbain dehors. La climatisation artificielle est facteur de réchauffement, puisqu’elle use de quantité d’énergie, ce qui entraîne autant d’émission de CO2. Les gaz HFC (« hydrofluocarbure ») qu’elle utilise sont eux à très fort effet de serre. Elle accroît aussi les inégalités entre personnes. Localement, elle réchauffe l’atmosphère en y rejetant de la chaleur. Et tous ne peuvent supporter son coût (frais d’équipement et surtout d’électricité).

 

Penser le confort thermique autrement

Plus de 18°C, 19°C en moyenne… Des bornes ont été fixées pour le définir. Ces limites dénotent une authentique recherche d’équilibre entre souci d’économie et confort thermique, mais il ne faut pas envisager celui-ci comme un continuum.

Les recherches en physiologie ont permis de revoir la conception que nous avions de nos environnements, notamment des conditions thermiques. Une expérience agréable peut s’accommoder d’une certaine flexibilité : à l’intérieur comme à l’extérieur de bâtiments. Il est en tout cas dérisoire de chercher à fixer un point médian universel : non, le confort, ce n’est pas forcément 21°C, au bureau comme dans sa salle de bains, du 1er janvier au 31 décembre.

La crise climatique offre l’opportunité de réinterroger les températures optimales que nous avons nous-mêmes décrétés. Accepter de se prêter au jeu, c’est contribuer à répondre à la question qui s’impose à tous : comment habiter raisonnablement ce monde qui se réchauffe ?

La crise est un levier qui nous permet aussi de nous recentrer sur la mission fondamentale du bâti, qui est de nous protéger du froid, de la pluie, du vent et de la chaleur. L’architecture sait répondre à ce besoin, sans recourir à des technologies énergivores.

De nouveaux types d’espaces et d’autres modes de vie amélioreront notre quotidien dans un environnement très majoritairement bâti et urbain. C’est la voie qui s’impose pour retrouver des rythmes plus naturels : au risque d’être d’abord surpris voire mal à l’aise. Mais c’est peut-être à ces conditions que nous ressentirons ensuite durablement un nouveau plaisir : celui de se trouver au bon endroit, à l’endroit qui nous correspond.

 

Une alternative à la climatisation standardisée

Comment créer une source d’air frais naturel à l’intérieur d’un bâtiment ? Telle est la problématique à laquelle le projet « Halle Climat » répond : par des moyens inspirés de la nature et de l’architecture vernaculaire. Les procédés de rafraîchissement passif sont bien connus dans l’architecture traditionnelle en France comme ailleurs dans le monde. Dans ce projet nous interprétons les phénomènes physiques comme l’évapotranspiration, l’ombrage, l’inertie thermique et la création de mouvements d’air à l’échelle et à vue d’architectes : pour créer ce que nous appelons des « automates rafraîchissants ». Chaque automate est associé à un ou plusieurs usages mêlant ainsi une installation technique et un lieu de vie.

 

Une étude de cas

Nous proposons de créer un réservoir d’air frais où l’air extérieur est rafraîchi par des techniques passives. Ce réservoir est équipé d’automates rafraîchissants et fait sas entre les environnements intérieur et extérieur. C’est ce sas qui est à la fois un espace agissant sur les climats et un lieu habité que nous avons appelé « Halle Climat ». Une vaste verrière protégée par des brise-soleils crée une poche d’air frais qui ventile les bâtiments.

On peut entrer dans la Halle : la traverser, y travailler, y patienter. Certaines activités jusque-là situées à l’intérieur du bâtiment y sont déplacées. Ce nouveau lieu fait office de hall unique ouvert sur les immeubles et l’espace public. On y trouve un accueil et un espace d’attente, peut-être un café ou une salle d’exposition.

Ce lieu dédié au travail comme à la détente est mutualisé par plusieurs bâtiments. La Halle peut encore être un îlot, un jalon de fraîcheur au cours d’une déambulation urbaine.

 

Un nouvel espace hybride

La Halle Climat se situe à la jonction entre extérieur et intérieur ou encore entre espace public et privé. Elle est un exemple de bâtiments hybrides bien connus, comme les passages couverts à proximité des grands Boulevards à Paris. Cette notion d’espaces mixtes peut être réinvestie pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui : pour adapter les bâtiments et faire de nos villes un endroit où mieux vivre les nouvelles conditions climatiques.

 

Une étude prospective

La Halle Climat est une source d’inspiration, un cahier de prospective réalisé par Fieldwork architecture grâce au soutien d’ICADE.

Nous avons imaginé le bâtiment comme une structure permanente. Mais il pourrait aussi prendre la forme d’une installation temporaire érigée pour un temps, durant la saison estivale, par exemple. Le projet présenté ici est une variante parmi d’autres.

La Halle Climat propose une réflexion sur la ville aux collectivités, aux aménageurs, architectes, urbanistes, promoteurs ou « programmistes » intéressés par un regard nouveau sur les pieds d’immeubles.

Partant de là, du bas des immeubles, la Halle assure un confort thermique d’été, une régulation naturelle de température tout en anticipant une évolution des usages et des fonctions des bâtiments. Une nouvelle interaction espace privé – espace public s’ouvre à nous.

Au cours de notre exercice de la profession d’architecte, nous avons constaté que, dans les projets de construction, le sujet du rafraîchissement n’était abordé que sous un angle très « technique » et traité par le corps d’état CVC (chauffage, ventilation et climatisation). Ainsi, les solutions apportées visaient à répondre aux contraintes réglementaires, pas aux contraintes environnementales.

Plus qu’une solution formelle, la Halle Climat est l’illustration d’une nouvelle façon d’envisager l’architecture, capable de concevoir l’habitat en pensant nos interactions avec la planète.

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Vue d’ensemble

Vue en plan

Stockage et redistribution des eaux de pluie en une année

Circuit d’air et cycle de l’eau parallèle

Coupe longitudinale

Vue d’ensemble

Automates végétaux

Automates jouant de l’eau

Vue en plan

Stockage et redistribution des eaux de pluie en une année

Circuit d’air et cycle de l’eau parallèle

Coupe longitudinale

Vue d’ensemble

Automates végétaux

Automates jouant de l’eau

42,6°C à Paris. Ce record absolu de chaleur a été mesuré le 25 juillet 2019. Jamais le mercure n’avait grimpé ainsi… en 130 ans de relevés météorologiques . À l’avenir, une telle température n’aura plus rien d’extraordinaire en Europe, anticipent la plupart des experts de la « crise climatique ». Ainsi, la « canicule » n’est plus perçue comme un événement. Elle est devenue un moment ordinaire du nouvel été parisien, vécu comme la manifestation locale d’un changement observé à l’échelle de la planète.

 

L’humanité a modifié l’écosystème terrestre

Le dernier rapport du GIEC (« Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ») ne permet plus aucun doute quant à la cause du réchauffement climatique. Ce sont bien des activités humaines qui font monter la température de l’atmosphère et produisent les conséquences catastrophique que l’on ressent déjà et qui vont certainement s’aggraver au moins dans les décennies à venir. Le futur plus lointain dépend de notre capacité d’action collective et immédiate.

La crise climatique est aussi le visage de notre immense pouvoir sur la biosphère. La définition de l’anthropocène reconnaît bien l’être humain comme « force géologique » majeure capable de marquer la lithosphère. Saurons nous mettre à profit notre énergie collective pour trouver une relation plus harmonieuse et apaisée avec cette seule planète vivable que nous connaissons?

 

Les villes en première ligne

Les villes sont particulièrement concernées, premièrement parce qu’en ville le réchauffement climatique se cumule avec l’effet d’îlot de chaleur urbain. De plus, la grande densité de population en ville fait que ces effets négatifs cumulés touchent un très grand nombre de personnes. Par ailleurs, l’impact environnemental des zones urbaines s’étend bien au delà de leur emprise physique. Les villes exercent une pression disproportionnée sur des territoires environnants par leur besoins en énergie ou par la consommation des ressources venues de partout sur la planète. Enfin, les villes concentrent le pouvoir économique et politique, ce qui leur donne une grande capacité d’action. Pour toutes ces raisons les actions d’adaptation et d’atténuation préconisées par les scientifiques, et engagées dans les centres urbains auront une influence à l’échelle de la planète.

 

Lutter contre la chaleur dans l’espace public

Les pouvoirs municipaux s’efforcent de préparer des plans d’atténuation et d’adaptation. Les réponses données se concentrent dans un premier temps sur l’intégration de plus de végétation dans l’espace public, sur la valorisation de l’eau de pluie pour le rafraîchissement et sur la réduction de l’accumulation de chaleur dans les revêtements de sol.

 

L’air frais dans les bâtiments

Les objectifs et moyens pour plus de fraîcheur à l’extérieur sont bien connus et la direction est toute tracée. Atteindre le confort d’été satisfaisant à intérieur des bâtiments s’avère plus complexe. Car, même si nous usions d’énergies renouvelables pour refroidir l’air d’un bâtiment, nous réchaufferions les alentours. Et nous serions pris dans ce cercle vicieux : rafraîchir dedans augmente le phénomène d’îlot de chaleur urbain dehors. La climatisation artificielle est facteur de réchauffement, puisqu’elle use de quantité d’énergie, ce qui entraîne autant d’émission de CO2. Les gaz HFC (« hydrofluocarbure ») qu’elle utilise sont eux à très fort effet de serre. Elle accroît aussi les inégalités entre personnes. Localement, elle réchauffe l’atmosphère en y rejetant de la chaleur. Et tous ne peuvent supporter son coût (frais d’équipement et surtout d’électricité).

 

Penser le confort thermique autrement

Plus de 18°C, 19°C en moyenne… Des bornes ont été fixées pour le définir. Ces limites dénotent une authentique recherche d’équilibre entre souci d’économie et confort thermique, mais il ne faut pas envisager celui-ci comme un continuum.

Les recherches en physiologie ont permis de revoir la conception que nous avions de nos environnements, notamment des conditions thermiques. Une expérience agréable peut s’accommoder d’une certaine flexibilité : à l’intérieur comme à l’extérieur de bâtiments. Il est en tout cas dérisoire de chercher à fixer un point médian universel : non, le confort, ce n’est pas forcément 21°C, au bureau comme dans sa salle de bains, du 1er janvier au 31 décembre.

La crise climatique offre l’opportunité de réinterroger les températures optimales que nous avons nous-mêmes décrétés. Accepter de se prêter au jeu, c’est contribuer à répondre à la question qui s’impose à tous : comment habiter raisonnablement ce monde qui se réchauffe ?

La crise est un levier qui nous permet aussi de nous recentrer sur la mission fondamentale du bâti, qui est de nous protéger du froid, de la pluie, du vent et de la chaleur. L’architecture sait répondre à ce besoin, sans recourir à des technologies énergivores.

De nouveaux types d’espaces et d’autres modes de vie amélioreront notre quotidien dans un environnement très majoritairement bâti et urbain. C’est la voie qui s’impose pour retrouver des rythmes plus naturels : au risque d’être d’abord surpris voire mal à l’aise. Mais c’est peut-être à ces conditions que nous ressentirons ensuite durablement un nouveau plaisir : celui de se trouver au bon endroit, à l’endroit qui nous correspond.

 

Une alternative à la climatisation standardisée

Comment créer une source d’air frais naturel à l’intérieur d’un bâtiment ? Telle est la problématique à laquelle le projet « Halle Climat » répond : par des moyens inspirés de la nature et de l’architecture vernaculaire. Les procédés de rafraîchissement passif sont bien connus dans l’architecture traditionnelle en France comme ailleurs dans le monde. Dans ce projet nous interprétons les phénomènes physiques comme l’évapotranspiration, l’ombrage, l’inertie thermique et la création de mouvements d’air à l’échelle et à vue d’architectes : pour créer ce que nous appelons des « automates rafraîchissants ». Chaque automate est associé à un ou plusieurs usages mêlant ainsi une installation technique et un lieu de vie.

 

Une étude de cas

Nous proposons de créer un réservoir d’air frais où l’air extérieur est rafraîchi par des techniques passives. Ce réservoir est équipé d’automates rafraîchissants et fait sas entre les environnements intérieur et extérieur. C’est ce sas qui est à la fois un espace agissant sur les climats et un lieu habité que nous avons appelé « Halle Climat ». Une vaste verrière protégée par des brise-soleils crée une poche d’air frais qui ventile les bâtiments.

On peut entrer dans la Halle : la traverser, y travailler, y patienter. Certaines activités jusque-là situées à l’intérieur du bâtiment y sont déplacées. Ce nouveau lieu fait office de hall unique ouvert sur les immeubles et l’espace public. On y trouve un accueil et un espace d’attente, peut-être un café ou une salle d’exposition.

Ce lieu dédié au travail comme à la détente est mutualisé par plusieurs bâtiments. La Halle peut encore être un îlot, un jalon de fraîcheur au cours d’une déambulation urbaine.

 

Un nouvel espace hybride

La Halle Climat se situe à la jonction entre extérieur et intérieur ou encore entre espace public et privé. Elle est un exemple de bâtiments hybrides bien connus, comme les passages couverts à proximité des grands Boulevards à Paris. Cette notion d’espaces mixtes peut être réinvestie pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui : pour adapter les bâtiments et faire de nos villes un endroit où mieux vivre les nouvelles conditions climatiques.

 

Une étude prospective

La Halle Climat est une source d’inspiration, un cahier de prospective réalisé par Fieldwork architecture grâce au soutien d’ICADE.

Nous avons imaginé le bâtiment comme une structure permanente. Mais il pourrait aussi prendre la forme d’une installation temporaire érigée pour un temps, durant la saison estivale, par exemple. Le projet présenté ici est une variante parmi d’autres.

La Halle Climat propose une réflexion sur la ville aux collectivités, aux aménageurs, architectes, urbanistes, promoteurs ou « programmistes » intéressés par un regard nouveau sur les pieds d’immeubles.

Partant de là, du bas des immeubles, la Halle assure un confort thermique d’été, une régulation naturelle de température tout en anticipant une évolution des usages et des fonctions des bâtiments. Une nouvelle interaction espace privé – espace public s’ouvre à nous.

Au cours de notre exercice de la profession d’architecte, nous avons constaté que, dans les projets de construction, le sujet du rafraîchissement n’était abordé que sous un angle très « technique » et traité par le corps d’état CVC (chauffage, ventilation et climatisation). Ainsi, les solutions apportées visaient à répondre aux contraintes réglementaires, pas aux contraintes environnementales.

Plus qu’une solution formelle, la Halle Climat est l’illustration d’une nouvelle façon d’envisager l’architecture, capable de concevoir l’habitat en pensant nos interactions avec la planète.

Collaborateurs

Conception graphique: Bureau Roman Seban
Suivi éditorial: Anne Blanchard
Perspectives: Samson Lacoste
Relecture: Marie-Pierre Lajot

Fieldwork + Samuel Zwerger, Léa Delebarre, Élea Clancier, Hiba Hilali

Programme

Mixte

Client

ICADE

Année

2021

Localisation

Île-de-France

Surface

Budget

Phase

étude prospective